Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/432

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— notes[1]. —


23 août. 3 heures. — Après deux heures de montée, immense prairie avec deux ou trois pauvres cabanes dont les jardins ont quelque maigre salade et des enclos de marbre. À droite un torrent. Devant moi un énorme bloc de marbre blanc et une vieille souche desséchée. Autour de moi montagnes magnifiques. Les rayons du soleil y découpent de larges scies de lumière et d’ombre. Petits lacs de neige près du ciel dans les anfractuosités. D’immenses glissements d’ardoises étincellent là-bas au soleil autrement que de l’eau, autrement que de la glace. C’est comme le dos d’un énorme dragon. Larges pans de sombre et de clair. Plans immenses et simples. Quatre montagnes emplissent l’horizon. Rien qu’une herbe courte et rare et quelques bruyères. Cela fait pourtant une gigantesque housse de verdure qui couvre les monts jusqu’à l’endroit où les cols se dressent. Le torrent coule à plat et presque paisible au fond du ravin. Aucun bruit. Aucune voix. Ciel bleu. Calme profond. Solitude absolue. Je n’ai rien vu encore de plus beau et de plus grand dans les Pyrénées.


24. — Deux torrents forment l’Y. Sur cet Y pont circulaire à triple articulation, en sapins jetés de rochers en rochers. Sur le premier gave quatre autres ponts aux quatre étages de la montagne formés de troncs d’arbres. Écroulement de rochers.

Torrent d’eau sur un torrent de pierres.

1er pont. Sapins desséchés avec leurs branches brisées court pouvant servir de mâts de perroquet aux ours. Dans un de ces sapins qui est creux, on a fait du feu. C’est encore une assez large cheminée. Des lichens chevelus vivent sur ces squelettes. Végétation à plusieurs couches. Toutes les fleurs de la montagne.

Eau verte et paisible dans une anse au-dessous de la chute avec des sapins morts qui pendent dessus.

2e pont. Deux murailles noires. La lumière s’accroche aux saillies et y fait de petites terrasses éclatantes couvertes d’herbes et de fleurs. L’eau est lumineuse, la lumière est mouillée. Entre les deux murs noirs, le gave blanc. Au fond une cascade à quatre étages. Arbres coupés par les bûcherons. Forêt. Monts immenses au-dessous.

  1. De Cauterets, où il est resté quelques jours, Victor Hugo a fait de petites excursions dans les montagnes des environs. Voici quelques-unes de ses notes inutilisées de son album.