Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., En voyage, tome II.djvu/554

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6 juin. — Nous nous sommes promenés dans la vallée de Dommeldange qui contourne le plateau de Luxembourg. Le tour entier, à pied, a duré quatre heures. Nous avons vu une très belle chose, la coulée de la fonte dans le haut fourneau de la vallée des Sept-Fontaines. Un torrent de fer liquide sort du trou fait au bas du fourneau avec des tourbillons d’étincelles qui semblent vivantes et qui se tordent comme des pieuvres de flamme. C’est en petit la coulée d’un cratère. Cette lave se répand dans le gaufrier de sable préparé pour la recevoir, et s’y refroidit, et c’est la fonte. On l’envoie en Prusse, de fonte elle devient acier, et on en fait les canons Krupp. Voilà comment l’homme abuse de l’honnête terre qui lui donne le fer.


8 juin. — Nous partons aujourd’hui pour Vianden.

Nous sommes arrivés à 7 heures et demie. Le bourgmestre, M. Pauly, nous attendait. Nous sommes descendus à l’hôtel Koch, auberge plutôt qu’hôtel. Mais il n’y a que cela à Vianden. Du reste il y a un jardin pour les enfants et nous y serons bien. Comme la maison est trop petite pour nous loger tous, j’occupe une chambre au premier dans une maison voisine. J’y ai une vue superbe sur la rivière et sur la ruine. Cette maison fait l’encoignure du pont.


10 juin. — Promenade jusqu’à la frontière de Prusse.

Petit Georges a visité avec Victor les ruines de Vianden. Il m’a dit en revenant :

Papapa, j’ai vu une belle maison cassée. J’ai vu des fenêtres gotipes.

On me dit qu’à propos de mon expulsion Veuillot m’a appelé vieille citrouille, et qu’il a ajouté ce correctif poli : à moitié remplie de diamants.


12 juin. — Nous sommes partis pour faire une excursion à Beaufort. En sortant de Vianden nous rencontrons les gendarmes. Le curé de la ville a dit hier en chaire qu’il fallait me faire arrêter et reconduire à la frontière par les gendarmes. Je suis sur le siège du char à bancs près du cocher. Les gendarmes s’arrêtent et me font le salut militaire.

Nous voilà sur le haut de la montagne. Le soleil se couche. Pluie à verse. Le soleil reparaît. Nous passons l’Our. Nous montons une côte à pied. Assez longue marche dans les chemins de traverse. Notre cocher dit : On ne va pas voir le château de Beaufort, à cause des mauvaises routes. Nous arrivons à 3 heures au village de Beaufort. On ne voit pas la ruine qui est dans un fond. Pluie. Nous entrons dans une auberge qui est un cabaret.

Entre deux pluies je suis allé voir le manoir. Il apparaît à un tournant