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CONCLUSION.


PREMIÈRE PARTIE.


PETITESSE DU MAÎTRE. ABJECTION DE LA SITUATION


i

Soyez tranquilles, l’histoire le tient.

Du reste, si ceci flatte l’amour-propre de M. Bonaparte d’être saisi par l’histoire, s’il a par hasard, et vraiment on le croirait, sur sa valeur comme scélérat politique, une illusion dans l’esprit, qu’il se l’ôte.

Qu’il n’aille pas s’imaginer, parce qu’il a entassé horreurs sur horreurs, qu’il se hissera jamais à la hauteur des grands bandits historiques. Nous avons eu tort peut-être, dans quelques pages de ce livre, çà et là, de le rapprocher de ces hommes. Non, quoiqu’il ait commis des crimes énormes, il restera mesquin. Il ne sera jamais que l’étrangleur nocturne de la liberté ; il ne sera jamais que l’homme qui a soûlé les soldats, non avec de la gloire, comme le premier Napoléon, mais avec du vin ; il ne sera jamais que le tyran pygmée d’un grand peuple. L’acabit de l’individu se refuse de fond en comble à la grandeur, même dans l’infamie. Dictateur, il est bouffon ; qu’il se fasse empereur, il sera grotesque. Ceci l’achèvera. Faire hausser les épaules au genre humain, ce sera sa destinée. Sera-t-il moins rudement corrigé pour cela ? Point. Le dédain n’ôte rien à la colère ; il sera hideux, et il restera ridicule. Voilà tout. L’histoire rit et foudroie.

Les plus indignés même ne le tireront point de là. Les grands penseurs se plaisent à châtier les grands despotes, et quelquefois même les grandissent un peu pour les rendre dignes de leur furie ; mais que voulez-vous que l’historien fasse de ce personnage ?

L’historien ne pourra que le mener à la postérité par l’oreille.

L’homme une fois déshabille du succès, le piédestal ôté, la poussière tombée, le clinquant et l’oripeau et le grand sabre détachés, le pauvre petit squelette mis à nu et grelottant, peut-on s’imaginer rien de plus chétif et de plus piteux ?