Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome I.djvu/25

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l’État a escroqué son mandat, escroqué le pouvoir, escroqué les Tuileries ; le faussaire dira : Le chef de l’État a falsifié un scrutin ; le bandit du coin du bois dira : Le chef de l’État a coupé leur bourse aux princes d’Orléans ; le meurtrier dira : Le chef de l’État a fusillé, mitraillé, sabré et égorgé les passants dans les rues ; – et tous ensemble, escroc, faussaire, faux témoin, bandit, voleur, assassin, ajouteront : – Et vous, juges, vous êtes allés saluer cet homme, vous êtes allés le louer de s’être parjuré, le complimenter d’avoir fait un faux, le glorifier d’avoir escroqué, le féliciter d’avoir volé et le remercier d’avoir assassiné ! qu’est-ce que vous nous voulez ?

Certes, c’est là un état de choses grave. S’endormir sur une telle situation, c’est une ignominie de plus. Il est temps, répétons-le, que ce monstrueux sommeil des consciences finisse. Il ne faut pas qu’après cet effrayant scandale, le triomphe du crime, ce scandale plus effrayant encore soit donné aux hommes : l’indifférence du monde civilisé.

Si cela était, l’histoire apparaîtrait un jour comme une vengeresse ; et dès à présent, de même que les lions blessés s’enfoncent dans les solitudes, l’homme juste, voilant sa face en présence de cet abaissement universel, se réfugierait dans l’immensité du mépris.