Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Histoire, tome II.djvu/25

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« Le crime de Louis Bonaparte impose aux représentants du peuple demeurés libres de grands devoirs.

» La force brutale cherche à rendre impossible l’accomplissement de ces devoirs.

» Traqués, errants d’asile en asile, assassinés dans les rues, les représentants républicains délibèrent et agissent, malgré l’infâme police du coup d’État.

» L’attentat de Louis-Napoléon, en brisant tous les pouvoirs, n’a laissé debout qu’une autorité, l’autorité suprême, l’autorité du peuple, le suffrage universel.

» C’est au peuple souverain qu’il appartient de ressaisir et de reconstituer toutes les forces sociales aujourd’hui dispersées.

» En conséquence, les représentants du peuple décrètent :

»ARTICLE PREMIER. – Le peuple est convoqué le 21 décembre 1851 pour élire une Assemblée souveraine.

» ART. 2. – L’élection se fera par le suffrage universel, selon les formes réglées par le décret du gouvernement provisoire du 5 mars 1848.

»Fait à Paris, en assemblée de permanence, le 4 décembre 1851. »

Comme je venais de signer ce décret, Durand-Savoyat entra et me dit à voix basse qu’une femme me demandait, et attendait dans l’antichambre. J’y allai. C’était Madame Charrassin. Son mari avait disparu. Le représentant Charrassin, économiste, agronome, savant, était en même temps un homme intrépide. Nous l’avions vu la veille aux endroits les plus périlleux. Etait-il arrêté ? Madame Charrassin venait me demander si nous savions où il était. Je l’ignorais. Elle était allée à Mazas s’informer. Un colonel, qui était à la fois de l’armée et de la police, l’avait reçue et lui avait dit : – Je ne puis vous permettre de voir votre mari qu’à une condition. – Laquelle ? Vous ne lui parlerez de rien. – Comment ! de rien ? – Pas de nouvelles. Pas de politique. – Soit. – Donnez-m’en votre parole d’honneur. Et elle avait répondu : Comment voulez-vous que je vous donne ma parole d’honneur puisque je ne recevrais pas la vôtre ! – J’ai revu depuis Charrassin dans l’exil.

Madame Charrassin venait de me quitter quand Théodore Bac arriva. Il nous apportait la protestation du conseil d’État.

La voici :

PROTESTATION DU CONSEIL D’ÉTAT

« Les soussignés, membres du conseil d’État, élus par les Assemblées constituante et législative, réunis, nonobstant le décret du 2 décembre, au lieu