Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Philosophie, tome II.djvu/315

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Je me rappelle qu’un soir d’été, il y a longtemps de cela, en 1834, j'allai à l’Observatoire. Je parle de Paris, où j’étais alors. J’entrai. La nuit était claire, l’air pur, le ciel serein, la lune à son croissant ; on distinguait à l’œil nu la rondeur obscure modelée, la lueur cendrée. Arago était chez lui, il me fit monter sur la plate-forme. Il y avait là une lunette qui grossissait quatre cents fois ; si vous voulez vous faire une idée de ce que c’est qu’un grossissement de quatre cents fois, représentez-vous le bougeoir que vous tenez à la main haut comme les tours de Notre-Dame. Arago disposa la lunette, et me dit : regardez.

Je regardai.

J’eus un mouvement de désappointement. Une espèce de trou dans l’obscur, voilà ce que j’avais devant les yeux ; j’étais comme un homme à qui l’on dirait : regardez, et qui verrait l’intérieur d’une bouteille à l’encre. Ma prunelle n’eut d’autre perception que quelque chose comme une brusque arrivée de ténèbres. Toute ma sensation fut celle que donne à l’œil dans une nuit profonde la plénitude du noir.

— Je ne vois rien, dis-je.

Arago répondit : — Vous voyez la lune.