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TAS DE PIERRES. — VI.

Ne riez jamais de ceux qui souffrent ; souffrez quelquefois de ceux qui rient.

[1840-1844.]

On dit : C’est un vieillard. Il s’est éteint. Et l’on trouve tout simple qu’il soit parti. Demandez à ses enfants si c’est tout simple. Ce grand âge, qui semble aux indifférents une sorte de circonstance atténuante à la mort, fait à ceux qui aiment l’effet contraire. La longueur de la possession leur paraît créer presque un droit ; et la vie n’a plus pour nous sa figure vraie quand elle perd ces êtres qui en ont toujours été à nos yeux la lumière et le couronnement. — On se reverra. — Réfugions-nous dans les grandes confiances de l’éternité.

[1866-1869.]

Dieu veut qu’on reste dans la vie. Ceux qui regrettent et qui souffrent sont placés pour lui dans cette situation étrange et impérieuse qu’ils ne peuvent ni oublier les morts, ni oublier les vivants. S’ils oubliaient les morts, ils ne souffriraient plus ; s’ils oubliaient les vivants, ils se laisseraient mourir. On a des deux côtés des affections qui vous tiennent. Des liens vous tirent hors de la vie, d’autres liens vous retiennent dans ce monde. Telle est la destinée humaine. Puisqu’elle est ainsi, acceptons-la. Vivons. Aimons, pensons, contemplons, adorons. Il ne faut pas avoir l’œil sans cesse fixé sur le côté noir de la destinée. La contemplation perpétuelle du mystère engendre lentement dans l’âme le désespoir. Les profondeurs infinies de l’énigme épouvantent. Il n’est pas sage, il n’est pas sain, il n’est pas bon de regarder la nuit. Tournons-nous vers le jour.

[1864-1868.]

Toutes les fois qu’au fond de sa conscience on se sent le droit de pardonner, c’est qu’on en a le devoir.

[1855-1860.]

Il y a quelque chose de plus beau que l’innocence, c’est l’indulgence.

[1828-1830.]