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le dernier, Sapho, en février 1864. Il y en a aujourd’hui

quatre-vingt. Le nombre est probablement illimité [1]. D’autres fleuves de planètes ne peuvent être perçus par nos instruments. Par instants, il s’en détache une goutte, qui est un monde. Nous nommons ces mondes bolides. Ces planètes sont les animalcules du monde télescopique. De temps en temps, un de ces infusoires, univers habité comme un autre (pourquoi pas ?), vient se heurter à notre atmosphère, et le frottement de sa vitesse contre sa densité l’enflamme. Il éclate, c’est une étoile filante ; il tombe à terre, c’est un aérolithe. Un de ces torrents de petits mondes passe annuellement sur nos têtes vers le 11 août.

Nous ramassons ces mondes. Que nous apportent-ils ? Parfois nos propres éléments, nos métaux à nous, le cuivre, le cobalt, le nickel, le manganèse, le fer météorique, le fer titane, une basalte pareille à celle des escarpements colonnaires de Paterno, un feldspath qui, comme celui de l’Etna, est du labrador et non de l’orthose ; parfois des métaux inconnus, la plessite, la ténite, le kamacite.

Ces ruissellements circulaires de mondes télescopiques sont de véritables anneaux, entrant peut-être les uns dans les autres et faisant dans les étendues on ne sait quelle surprenante chaîne cosmique.

Une autre chaîne se composerait des gigantesques orbites elliptiques des comètes.

Veut-on se figurer quelle serait cette chaîne ?

La comète de 1680, une des préoccupations de Newton, ne revient qu’au bout de quatre-vingt-huit siècles ; elle plonge dans l’espace à trente-deux milliards de lieues.

Cette ellipse longue de trente-deux milliards de lieues ne serait qu’un chaînon de la chaîne cométaire.

Ces prodigieux fils relieraient dans l’espace incommensurable les créations.

La plupart des comètes semblent être et sont probablement des nuages ignés de matière cosmique. Quelques-unes pourtant ont évidemment des noyaux solides ; ainsi, entre autres, la comète à six chevelures de 1744, observée par Chezeau ; ainsi la comète de 1680 ; Newton calcula que le globe flamboyant, noyau de cette comète, mettrait cinq cents siècles à se refroidir.

Pas plus que la science d’hier, la science d’aujourd’hui n’a dit sur les comètes le dernier mot.

  1. La quatrevingt-unième vient d’être aperçue le 30 septembre 1864, au moment où nous venions d’écrire ces lignes. (Le 27 novembre 1864, on a découvert la quatrevingtdeuxième, Alcmène.)