Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
LA BANDE NOIRE.

Croulez, restes sacrés, ruines solennelles !
Pourquoi veiller encor, dernières sentinelles
D’un camp pour jamais endormi ?

Ou plutôt, — que du temps la marche soit hâtée.
Quoi donc ! n’avons-nous point parmi nous ces héros
Qui chassèrent les rois de leur tombe insultée,
Que les morts ont eu pour bourreaux ?
Honneur à ces vaillants que notre orgueil renomme !
Gloire à ces braves ! Sparte et Rome
Jamais n’ont vu d’exploits plus beaux !
Gloire ! ils ont triomphé de ces funèbres pierres,
Ils ont brisé des os, dispersé des poussières !
Gloire ! ils ont proscrit des tombeaux !

Quel Dieu leur inspira ces travaux intrépides ?
Tout joyeux du néant par leurs soins découvert,
Peut-être ils ne voulaient que des sépulcres vides,
Comme ils n’avaient qu’un ciel désert ?
Ou, domptant les respects dont la mort nous fascine,
Leur main peut-être, en sa racine,
Frappait quelque auguste arbrisseau ;
Et, courant en espoir à d’autres hécatombes,
Leur sublime courage, en attaquant ces tombes,
S’essayait à vaincre un berceau ?

Qu’ils viennent maintenant, que leur foule s’élance,
Qu’ils se rassemblent tous, ces soldats aguerris !
Voilà des ennemis dignes de leur vaillance :
Des ruines et des débris.
Qu’ils entrent sans effroi sous ces portes ouvertes ;
Qu’ils assiégent ces tours désertes ;
Un tel triomphe est sans dangers.
Mais qu’ils n’éveillent pas les preux de ces murailles ;
Ces ombres qui jadis ont gagné des batailles
Les prendraient pour des étrangers !