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ODES ET BALLADES.

Au vil monstre d’Éthiopie,
Par un fer jaloux mutilé !
Gloire aux muets, cachés au harem du Prophète !
Gloire à l’esclave obscur, qui leur livre sa tête,
Du moins en silence immolé !

Le sultan, sous des murs de jaspe et de porphyre,
Jetant à cent beautés un dédaigneux sourire,
Foule la pourpre et l’or, et l’ambre et le corail,
Et de loin, en passant, le peuple peut connaître
Où sont les plaisirs de son maître,
À la tête qui pend aux portes du sérail.

Peuple heureux ! éveillant la révolte hardie,
Parmi ses toits troublés, dans l’ombre, bien souvent
L’inquiet janissaire égare l’incendie
Sur l’aile bruyante du vent.
Peuple heureux ! d’un vizir sa vie est le domaine ;
Un poison, que la mort promène,
Flétrit son rivage infecté ;
L’esclavage le courbe au joug de l’épouvante.
Peuple trois fois heureux ! divins sages qu’on vante,
Il n’a pas votre Liberté !

V



Ô France ! c’est au ciel qu’en nos jours de colère
À fui la Liberté, mère des saints exploits ;
Il faut, pour réfléchir cet astre tutélaire,
Que, pur dans tous ses flots, le fleuve populaire
Coule à l’ombre du trône appuyé sur les lois.

Un Dieu du joug du mal a délivré le monde.
Parmi les opprimés il vint prendre son rang ;
Rois ! — en vœux fraternels sa parole est féconde ;