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ODES ET BALLADES.

Ses pieds éperonnés des rois pliaient la tête,
Et leur tête gardait le pli.

« Malheur donc ! — Malheur même au mendiant qui frappe,
Hypocrite et jaloux, aux portes du satrape !
À l’esclave en ses fers ! au maître en son château !
À qui, voyant marcher l’innocent aux supplices,
Entre deux meurtriers complices,
N’étend point sous ses pas son plus riche manteau !

« Malheur à qui dira : Ma mère est adultère !
À qui voile un cœur vil sous un langage austère !
À qui change en blasphème un serment effacé !
Au flatteur médisant, reptile à deux visages !
À qui s’annoncera sage entre tous les sages !
Oui, malheur à cet insensé !

« Peuples, vous ignorez le Dieu qui vous fit naître !
Et pourtant vos regards le peuvent reconnaître
Dans vos biens, dans vos maux, à toute heure, en tout lieu !
Un Dieu compte vos jours, un Dieu règne en vos fêtes !
Lorsqu’un chef vous mène aux conquêtes,
Le bras qui vous entraîne est poussé par un Dieu !

« À sa voix, en vos temps de folie et de crime,
Les révolutions ont ouvert leur abîme.
Les justes ont versé tout leur sang précieux ;
Et les peuples, troupeau qui dormait sous le glaive,
Ont vu, comme Jacob, dans un étrange rêve,
Des anges remonter aux cieux !

« Frémissez donc ! Bientôt, annonçant sa venue,
Le clairon de l’archange entr’ouvrira la nue.
Jour d’éternels tourments ! jour d’éternel bonheur !
Resplendissant d’éclairs, de rayons, d’auréoles,
Dieu vous montrera vos idoles,
Et vous demandera : — Qui donc est le Seigneur ?