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À M. ALPHONSE DE L.

Le Seigneur en passant t’a touché de sa main ;
Et, pareil au rocher qu’avait frappé Moïse,
Pour la foule au désert assise,
La poésie en flots s’échappe de ton sein !

Moi, fussé-je vaincu, j’aimerai ta victoire.
Tu le sais, pour mon cœur ami de toute gloire,
Les triomphes d’autrui ne sont pas un affront.
Poëte, j’eus toujours un chant pour les poëtes ;
Et jamais le laurier qui pare d’autres têtes
Ne jeta d’ombre sur mon front !

Souris même à l’envie amère et discordante.
Elle outrageait Homère, elle attaquait le Dante.
Sous l’arche triomphale elle insulte au guerrier.
Il faut bien que ton nom dans ses cris retentisse ;
Le temps amène la justice :
Laisse tomber l’orage et grandir ton laurier !

VI



Telle est la majesté de tes concerts suprêmes,
Que tu sembles savoir comment les anges mêmes
Sur les harpes du ciel laissent errer leurs doigts !
On dirait que Dieu même, inspirant ton audace,
Parfois dans le désert t’apparaît face à face,
Et qu’il te parle avec la voix !


17 octobre 1825.