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LA MÊLÉE.


Halbert, baron normand, Ronan, prince de Galles,
Vont mesurer ici leurs forces presque égales ;
Les normands sont adroits ; les gallois sont ardents.
Ceux-là viennent chargés d’une armure sonore ;
Ceux-ci font, pour couvrir leur front sauvage encore,
De la gueule des loups un casque armé de dents.

« Que nous fait la plainte des veuves,
Et de l’orphelin gémissant ?
Demain nous laverons aux fleuves
Nos bras teints de fange et de sang.
Serrons nos rangs, brûlons nos tentes !
Que nos trompettes éclatantes
Glacent l’ennemi méprisé !
En vain leurs essaims se déroulent ;
Pour eux chaque sillon qu’ils foulent
Est un sépulcre tout creusé. »

Le signal est donné. — Parmi des flots de poudre,
Leurs pas courts et pressés roulent comme la foudre…
Comme deux chevaux noirs qui dévorent le frein,
Comme deux grands taureaux luttant dans les vallées,
Les deux masses de fer, à grand bruit ébranlées,
Brisent d’un même choc leur double front d’airain.

« Allons, guerriers ! la charge sonne !
Courez, frappez, c’est le moment !
Aux sons de la trompe saxonne,
Aux accords du clairon normand,
Dagues, hallebardes, épées,
Pertuisanes de sang trempées,
Haches, poignards à deux tranchants,
Parmi les cuirasses froissées,
Mêlez vos pointes hérissées,
Comme la ronce dans les champs ! »