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LA LÉGENDE DE LA NONNE.

Jusqu’à l’heure pâle où s’effacent
Les cierges sur les chandeliers. —
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Or quand, dans la nef descendue,
La nonne appela le bandit,
Au lieu de la voix attendue,
C’est la foudre qui répondit.
Dieu voulut que ses coups frappassent
Les amants par Satan liés. —
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Aujourd’hui, des fureurs divines
Le pâtre enflammant ses récits,
Vous montre au penchant des ravines
Quelques tronçons de murs noircis,
Deux clochers que les ans crevassent,
Dont l’abri tuerait ses béliers. —
Enfants, voici des bœufs qui passent,
Cachez vos rouges tabliers !

Quand la nuit, du cloître gothique
Brunissant les portails béants,
Change à l’horizon fantastique
Les deux clochers en deux géants ;
À l’heure où les corbeaux croassent,
Volant dans l’ombre par milliers… —
Enfants, voici des bœufs qui passent.
Cachez vos rouges tabliers !

Une nonne, avec une lampe,
Sort d’une cellule à minuit ;
Le long des murs le spectre rampe,
Un autre fantôme le suit ;
Des chaînes sur leurs pieds s’amassent,