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ESSAIS ET POÉSIES DIVERSES.

Vers les sables brûlants qu’un jour ardent éclaire,
Nous allons, malheureux ! traîner notre misère.
Beaux cieux ! rustiques toits ! je vous fuis pour jamais ;
De ma chère Mantoue éloigné désormais.
Je n’admirerai plus, dans ces riches contrées,
Et mon riant domaine et mes moissons dorées,
Un soldat sanguinaire, un barbare étranger
Ravagera mes champs, mes coteaux, mon verger !
Voilà vos tristes fruits, ô discordes civiles !
Nos soins sont superflus, nos travaux sont stériles[1] !
Malheureux !… Maintenant, sur ces brûlants coteaux,
Du poirier, de la vigne élague les rameaux !
Troupeau jadis heureux ! Allez, chèvres chéries…
Du fond d’un antre vert, de ces rives fleuries,
Je ne vous verrai plus, sur un roc buissonneux,
Prendre et brouter la fleur du cytise épineux ;
Je ne chanterai plus.

Tityre.

Je ne chanterai plus. Ne peux-tu pas encore
Attendre sous mon toit le retour de l’aurore ?
Sur un feuillage vert, ami trop malheureux,
Viens goûter un lait pur et des fruits savoureux.
Déjà les toits au loin fument dans les campagnes,
Et l’ombre en s’allongeant descend de ces montagnes.

16 octobre 1816.
  1. Le vers latin :

    en queis constimus agros !

    serait, ce me semble, mieux rendu par celui-ci :

    Voilà pour quoi nos bras rendaient ces champs fertiles !

    (Note su manuscrit.)