Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/380

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V


Qui leur eût dit alors l’austère destinée ?
Qui leur eût dit qu’un jour cette France, inclinée
Sous leurs fronts de fleurons chargés,
Ne se souviendrait d’eux ni de leur morne histoire,
Pas plus que l’océan sans fond et sans mémoire
Ne se souvient des naufragés !

Que, chaînes, lys, dauphins, un jour les Tuileries
Verraient l’illustre amas des vieilles armoiries
S’écrouler de leur plafond nu,
Et qu’en ces temps lointains que le mystère couvre,
Un corse, encore à naître, au noir fronton du Louvre
Sculpterait un aigle inconnu !

Que leur royal Saint-Cloud se meublait pour un autre ;
Et qu’en ces fiers jardins du rigide Le Nôtre,
Amour de leurs yeux éblouis,
Beaux parcs où dans les jeux croissait leur jeune force,
Les chevaux de Crimée un jour mordraient l’écorce
Des vieux arbres du grand Louis !

VI


Dans ces temps radieux, dans cette aube enchantée,
Dieu ! comme avec terreur leur mère épouvantée
Les eût contre son cœur pressés, pâle et sans voix,
Si quelque vision, troublant ces jours de fêtes,
Eût jeté tout à coup sur ces fragiles têtes
Ce cri terrible : — Enfants ! vous serez rois tous trois !