Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome II.djvu/49

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Qui tourmentés d’une autre terre,
En ont deviné le mystère
Avant que rien en soit venu,
Dont la tête au ciel est tournée,
Dont l’âme, boussole obstinée,
Toujours cherche un pôle inconnu.

Ces Gamas, en qui rien n’efface
Leur indomptable ambition,
Savent qu’on n’a vu qu’une face
De l’immense création.
Ces Colombs, dans leur main profonde,
Pèsent la terre et pèsent l’onde
Comme à la balance du ciel,
Et, voyant d’en haut toute cause,
Sentent qu’il manque quelque chose
À l’équilibre universel.

Ce contre-poids qui se dérobe,
Ils le chercheront, ils iront ;
Ils rendront sa ceinture au globe,
À l’univers sont double front.
Ils partent, on plaint leur folie.
L’onde les emporte ; on oublie
Le voyage et le voyageur… —
Tout à coup de la mer profonde
Ils ressortent avec leur monde,
Comme avec sa perle un plongeur !

Voilà quelle était ma pensée.
Quand sur le flot sombre et grossi
Je risquai ma nef insensée,
Moi, je cherchais un monde aussi !
Mais, à peine loin du rivage,
J’ai vu sur l’océan sauvage
Commencer dans un tourbillon