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XV

Sinite parvulos venire ad me.
Jésus.


Laissez. — Tous ces enfants sont bien là. — Qui vous dit
Que la bulle d’azur que mon souffle agrandit
À leur souffle indiscret s’écroule ?
Qui vous dit que leurs voix, leurs pas, leurs jeux, leurs cris,
Effarouchent la muse et chassent les péris ?… —
Venez, enfants, venez en foule !

Venez autour de moi. Riez, chantez, courez !
Votre œil me jettera quelques rayons dorés,
Votre voix charmera mes heures.
C’est la seule en ce monde où rien ne nous sourit
Qui vienne du dehors sans troubler dans l’esprit
Le chœur des voix intérieures !

Fâcheux ! qui les vouliez écarter ! — Croyez-vous
Que notre cœur n’est pas plus serein et plus doux
Au sortir de leurs jeunes rondes ?
Croyez-vous que j’ai peur quand je vois au milieu
De mes rêves rougis ou de sang ou de feu
Passer toutes ces têtes blondes ?

La vie est-elle donc si charmante à vos yeux
Qu’il faille préférer à tout ce bruit joyeux
Une maison vide et muette ?
N’ôtez pas, la pitié même vous le défend,
Un rayon de soleil, un sourire d’enfant,
Au ciel sombre, au cœur du poëte !

— Mais ils s’effaceront à leurs bruyants ébats
Ces mots sacrés que dit une muse tout bas,