Mais la diane, hélas ! cette voix de l’aurore,
Ne les réveillait pas.
Si bien que, vous voyant glacé, dans son délire,
Et tel qu’un dieu muet qui se laisse adorer,
Ce peuple, ivre d’amour, venu pour vous sourire,
Ne pourra que pleurer.
Sire, en ce moment-là, vous aurez pour royaume
Tous les fronts, tous les cœurs qui battront sous le ciel
Les nations feront asseoir votre fantôme
Au trône universel.
Les poètes divins, élite agenouillée,
Vous proclameront grand, vénérable, immortel,
Et de votre mémoire, injustement souillée,
Redoreront l’autel.
Les nuages auront passé dans votre gloire ;
Rien ne troublera plus son rayonnement pur ;
Elle se posera sur toute notre histoire
Comme un dôme d’azur.
Vous serez pour tout homme une âme grande et bonne,
Pour la France un proscrit magnanime et serein,
Sire, et pour l’étranger, sur la haute colonne,
Un colosse d’airain,
Vous cependant, — tandis qu’une pompe sacrée
Mènera par la ville un cortège inouï,
Et que tous croiront voir revivre à votre entrée
Un monde évanoui ;
Tandis qu’on entendra, près du dôme ou des ombres
Gardent tous les grands noms dont Paris se souvient,
Rugir les vieux canons comme des dogues sombres
Quand le maître revient ;
Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome VI.djvu/236
Cette page n’a pas encore été corrigée