Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome VI.djvu/240

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Dans ces heures de paix, les déserts, les vallées,
Les vents, les bois, les monts, les sphères étoilées,
             Chantant un divin chœur,
Couvrant d’oubli sa tombe aux bruits humains murée,
Ensemble accomplissaient la fonction sacrée
             De calmer ce grand cœur.


III.

 
Jadis, quand vous vouliez conquérir une ville,
Ratisbonne ou Madrid, Varsovie ou Séville,
Vienne l’austère, ou Naple au soleil radieux,
Vous fronciez le sourcil, ô figure idéale !
Alors tout était dit. La garde impériale
             Faisait trois pas comme les dieux.

Vos batailles, ô roi ! comme des mains fatales,
L’une après l’autre, ont pris toutes les capitales ;
Il suffit d’Iéna pour entrer à Berlin,
D’Arcole pour entrer à Mantoue, ô grand homme !
Lodi mène à Milan, Marengo mène à Rome,
             La Moskova mène au Kremlin !

Paris coûte plus cher ! c’est la cité sacrée !
C’est la conquête ardue, âpre, démesurée !
Le but éblouissant des suprêmes efforts !
Pour entrer dans Paris, la ville de mémoire,
Sire, il faut revenir de la sombre victoire
             Qu’on remporte au pays des morts !

Il faut avoir forcé toute haine à se taire,
Rallié tout grand cœur et tout grand caractère,
S’être fait de l’Europe et l’âme et le milieu,
Et, debout dans la gloire ainsi que dans un temple,
Etre pour l’univers, qui de loin vous contemple,
             Plus qu’un fantôme et presque un dieu !