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XLIII

ILS SONT TOUJOURS LÀ.


 
Baal n’est pas tombé ; son temple,
Antre du vieux crime immortel,
Rayonne ; et Baal se contemple
Et s’adore assis sur l’autel ;
Il triomphe ; il a dans sa crypte
La vieille Inde et la vieille Égypte ;
Baal resplendit au milieu
Entre l’idole et la momie ;
Et la sombre terre endormie
Rêve que ce monstre est son dieu.

Les deux frères de la géhenne,
Phalaris et Torquemada,
Attisent avec de la haine
L’âtre où le bœuf d’airain gronda ;
Tous deux, l’un est roi, l’autre est prêtre,
Chantent ; comme le chien son maître
La fournaise vient les lécher ;
Et pour ce front, et pour cette âme,
Un panache sort de la flamme,
Une mitre sort du bûcher.

Nemrod vit, et près d’eux flamboie ;
Il éclabousse leur brasier ;
Il étale l’horrible joie
De la trompette et de l’acier ;
Il va, splendide, affreux, sonore ;
Il frappe, il tue ; et l’on ignore,
Quand sur eux le regard descend,
Si la flamme, hydre aux sombres ailes,
Crache sur Dieu plus d’étincelles
Que le fer de gouttes de sang.