Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/131

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ZÉNITH.

Athène ! ô murs sacrés ! beauté ! chefs-d’œuvre ! exemples !
Strophes du statuaire écrites sur les temples !
Michel-Ange, à genoux tu les étudias.
Raphaël effaré contemple Phidias ;
Les profonds bas-reliefs, pleins d’une vie étrange,
Devant le demi-dieu font frissonner l’archange.
Ô sourire éternel des frontons dans l’azur !
Sous ce mur immortel qu’a ciselé l’art pur,
Les générations comme des fleuves roulent ;
Turcs et vénitiens et bavarois s’écoulent ;
Les siècles, bûcherons qui s’acharnent en vain,
Comparent, convoqués par le sculpteur divin
Devant le Parthénon mutilé comme un arbre,
L’humanité d’argile à l’olympe de marbre.
Salut à Phidias !

NADIR.

Salut à Phidias ! Bonsoir à lord Elgin !

ZÉNITH.

Justes, buvez l’absinthe.

NADIR.

Justes, buvez l’absinthe. Absinthe, vin et gin.
Riches, l’orchestre chante et les gorges sont nues ;
Le parc bleuâtre et frais livre ses avenues ;
Les lustres d’or, mêlés d’amours et de griffons,
Pendent, buissons de flamme, à l’anneau des plafonds ;
Dansez dans le salon et soupez dans la serre ;
Vous, les pauvres, les gueux, brutes de la misère,
Soûlez-vous dans un bouge à la lueur des suifs !

ZÉNITH.

Je regarde voler les aigles.

NADIR.

Je regarde voler les aigles. Moi, les juifs.