Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/158

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Mais je fais en moi-même un roman. J’imagine
Que je ne connais point au vrai mon origine.
J’ai le pressentiment d’un destin inconnu.
Mais non, je ne suis rien que le premier venu.
J’ose vous adorer, Nella.

LE DUC GALLUS, à part.

J’ose vous adorer, Nella. Quelle bravoure !

NELLA.

Profitez du moment où mon père laboure
Au fond de son enclos, et fuyez par le bois.

LE DUC GALLUS, à Gunich.

Son père ? Est-ce un soldat, ou bien un villageois ?

Par la fenêtre il montre à Gunich quelqu’un au dehors.

C’est ce bon vieux là-bas courbé sur sa charrue.

GEORGE.

Vous êtes sur ma cendre une flamme apparue ;
Sans vous je ne vis pas. Quand pourrai-je, à genoux,
Vous épouser ?

NELLA.

Vous épouser ? Hélas ! je ne sais. Cachez-vous.
Mon père est encor plein d’orgueil nobiliaire.

GEORGE.

Le donjon vieillissant n’a pas honte du lierre.
Pourquoi ce vétéran me repousserait-il ?
Mon chaste amour ressemble à son farouche exil.
Nous serions là, devant son front que l’âge ploie,
Nous aimant, et quel mal lui ferait notre joie ?

NELLA.

Il est bon. Attendons. Dieu nous aidera.

GEORGE.

Il est bon. Attendons. Dieu nous aidera. Non.
J’accuse Dieu. Pourquoi suis-je un homme sans nom ?