Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/278

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Et j’ai retiré son épine,
Et baisé sa plaie à son pié.

Puis dans le vent qui tourbillonne
J’ai continué mon chemin ;
Car j’étais à l’âge où rayonne
Le mystérieux lendemain.

J’ai vécu ; j’ai penché ma tête
Sur les souffrants, sur les petits.
L’azur fit place à la tempête ;
J’avais rêvé, je combattis.

Ainsi que le frère d’Électre,
Comme Jacob, — Dieu, tu le veux, —
J’ai saisi corps à corps le spectre,
Et l’ange m’a pris aux cheveux.

Je combattis pour la pensée,
Pour le devoir, pour Dieu nié,
Pour la grande France éclipsée,
Pour le soleil calomnié.

Je combattis l’ombre et l’envie,
Sans peur, sans tache à mon écu ;
Puis il se trouva, c’est la vie,
Qu’ayant lutté, je fus vaincu.

Je fus un de ceux que la foule
Donne à dévorer à l’exil.
Sur tout vaincu le dédain roule ;
Brutus est fou, Caton est vil.

La Victoire éclatant de rire
Montre Aristide à ses amants ;
Que de martyrs l’exil déchire !
Sa cage est pleine d’ossements !