Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/356

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Ne vous figurez pas que pour être indistinct
Cela ne soit pas vrai. Quoi ! mais c’est presque éteint !
Non. C’est mêlé de nuit ! Il le faut. Sans pilote !
Qu’en savez-vous ? Quoi donc ! cette rougeur qui flotte,
C’est quelque chose ? Ô rois, c’est tout. Dans les palais,
Les maîtres à voix basse en parlent aux valets,
Et les valets ont peur, mais font semblant de rire.
Ah ! vous pouvez frapper, supplicier, proscrire ;
Cela n’en vient pas moins. Cela marche. C’est loin,
Mais sûr. Rois, ce sera l’acteur, c’est le témoin ;
C’est le juge déjà. C’est l’idéal, ô princes !
C’est le réel. Régnez, soit. Prenez des provinces,
Volez-vous entre vous des peuples, triomphez ;
Respirez notre espace à nous les étouffés ;
Mangez, buvez, chez nous les affamés ; souffrance,
C’est patience ; ô sombre et douce délivrance,
Tu viens ! Ô rois, régnez, cela nous est égal ;
Ayez la Sibérie, ayez le Sénégal ;
Jetez-nous au vil bagne, aux noirs exils, qu’importe !
Pendant que des clairons chantent à votre porte
Et que des sabres nus gardent votre festin,
Au zénith, une flamme informe, le destin,
Le progrès, la confuse ébauche de la vie,
La lampe des penseurs d’un jour pâle suivie,
Sur laquelle jadis Torquemada soufflait,
Brille et s’avance, et jette on ne sait quel reflet,
Prêtres, sur votre autel, princes, sur votre table.
La comète est ainsi vaguement formidable.


6 juillet 1875.