Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/381

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Dans son plus vil repli, dans son plus dur pilier,
Fit un bruit sombre autour du fatal cavalier.
C’était comme le cri solennel et sauvage
De la vieille misère et du vieil esclavage,
Comme le hurlement de mille ans révoltés,
Comme la voix des temps et des calamités ;
Tout le passé pleurait dans cette clameur triste,
Tout, ce qui disparaît comme ce qui subsiste ;
C’était le sang, la chair, et le fer, et le feu,
Râlant à travers l’ombre un grand appel à Dieu ;
C’était la tombe ouvrant ses immenses entrailles.
Dans ce fauve murmure éclataient les mitrailles,
Les meurtres, les splendeurs du pouvoir triomphant ;
On y distinguait l’homme et la vierge et l’enfant ;
Les balles des assauts sifflaient aux meurtrières ;
Les femmes rugissaient dans les salpêtrières ;
Les chambres de torture attisaient leurs réchauds ;
On entendait gémir les geôles, les cachots,
Et l’affreux Saint-Lazare, et ce lugubre ancêtre
De tous les parias du vieux monde, Bicêtre ;
Le désespoir passait suivi de ses lépreux,
La mort de ses bourreaux, le trône de ses preux ;
Les mères s’arrachaient les cheveux à poignées ;
Les Te Deum chantaient les batailles gagnées ;
Tout y retentissait, les carrousels charmants,
Le quadruple galop des écartèlements,
La hache, le billot, le pal, le fouet, la chaîne,
Tout l’infâme appareil de supplices que traîne
Cette vieille Thémis humaine aux yeux bandés
Qui jadis prit Jésus, joua sa robe aux dés,
Le fit crucifier par le crime et le vice,
Et compte Dieu parmi ses repris de justice ;
Tout s’y mêlait, les deuils, les complots assassins,
L’arquebuse du roi Charles neuf, les tocsins,
Les cloches que l’orfraie effleure de son aile,
Les cris qu’étouffe l’eau devant la tour de Nesle,
Marguerite vidant son lit dans le tombeau,