Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome X.djvu/389

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L’hiver, à l’heure obscure où le vent crie et souffre,
Vous entendrez passer toutes les voix du gouffre
Sous ces arches d’écume et de trombe et de nuit ! ―

Alors l’antique horreur sortit de son réduit ;
Alors ton œil plongea dans tous les purgatoires ;
Alors vinrent à toi toutes les faces noires ;
Et ton souffle alluma des flammes dans ces yeux,
Et tout ce tourbillon de fronts mystérieux
S’abattit à jamais sur ces dalles funèbres
Comme un essaim hideux de mouches des ténèbres.

Ô mascarons d’un doigt magistral ébauchés !
Êtres vertigineux ! tristes géants couchés !
En butte à ce qui souille ainsi qu’à ce qui change,
Éclaboussés par l’onde et tachés par la fange !
Leurs têtes, où l’oiseau fait sa fiente et son nid,
Percent lugubrement l’étrave de granit
Et s’avancent sur l’eau comme de noires proues,
Et leur corps se prolonge en pavé sous les roues,
Sous les talons ferrés et sous les pas perdus ;
Les attelages lourds, sous le fouet éperdus,
Marchent sur eux traînant des chaînes et des câbles,
Et, par moments, les pieds, les galops implacables,
La ruade féroce et l’affreux choc des fers
À ces durs patients arrachent des éclairs.



Oh ! qui que vous soyez, qui, penchés sur les choses,
Sondez l’humanité dans ses métempsychoses,
Approchez, regardez, méditez, et tremblez.

Les voilà tous pressés, accouplés, rassemblés ;