Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/301

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À LA FRANCE DE 1872

Ô France, un ,de tes fils devant toi s'agenouille.
L'humble prêtre de l'art divin que rien ne souille
T'apporte sa tristesse et son austère amour.
Quand toutes les grandeurs d'un pays tour à tour,
Sous l'acharnement vil du sort opiniâtre,
S'écroulent, dans les jours ténébreux, le théâtre,
Qui jadis, riant, grave, orageux ou serein,
Parlait aux nations par deux masques d'airain,
Doit, quand saigne la plaie horrible des frontières,
Ne dire au peuple ému que des choses altières.
,Quand la Patrie en deuil baisse les yeux devant
Sa vieille histoire en cendre, à terre, éparse au vent,
Quand le fier Capitole a fait place au Calvaire,
Nous avons pour devoir le souvenir sévère;,
Et l'homme est par les chants de la muse avili,
S'il y puise une ivresse allant jusqu'à l'oubli.
Désormais, après tant d'angoisse, après les fuites,
Les camps cernés, les murs vendus, les tours détruites,
Et la captivité des sombres légions,
Quand l'Europe nous hait, nous qui la protégions,
Ces hymnes qu'on appelle Ode, Drame, Epopée,
Devront ressembler tous à des fourreaux d'épée;
Si le tigre en ses dents emporte la brebis,
Des resplendissements furieux et subits
Sortiront tout à coup de ces puissants poèmes;
Leurs vers seront grondants, menaçants et suprêmes;