Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIII.djvu/49

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XXII À DEUX ENNEMIS AMIS


Du bord des mers sans fond qui jamais ne pardonnent,
Du milieu des éclairs ét des vents qui me donnent
Le spectacle effrayant de l'éternel courroux,.
Je vous le crie: Amis! réconciliez-vous.
Vous n'avez pas le droit de ne pas être frères:...
Moi, qui sais les fureurs du sort, les vents contraires,
Les chocs. inattendus, les luttes, sans pitié;
Je vous dis: Aimez-vous! la solide amitié
Ceint d'un cercle d'acier l'homme, vase fragile.
Virgile aimait Horace, Horace aimait Virgile
Au point qu'en cette Rome, où l'oeil va les chercher,
On ne distinguait plus, en voyant se toucher
Leurs têtes dans la gloire intime et familière,
D'où venait le laurier et d'où venait le lierre.

Toi, n'es-tu pas celui qui, songeant, écrivant,
Cerveau monde où sè meut tout un peuple vivant,
T'éclairant à ton gré du jour que tu préfères,
Du drame et du roman, fais tes deux hémisphères ?
Toi, n'es-tu pas celui qui va, monte, descend,
Ne tiens-tu pas ta plume, au vol éblouissant,
Qui touche à tous les temps, qui perce tous les voiles,
Et jette sur Paris un tourbillon d'étoiles ?
Vous êtes deux noms chers qu'au monde nous offrons.
Les acclamations abondent sur vos fronts
Comme sur les palais s'abattent les colombes.
Dieu qui, pour vous créer ouvrit deux grandes tombes,