Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/127

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Sous vos crânes hautains dont le bourgeois est dupe,
Vos scrupules,- vos lois, vos textes, vos fiertés,
Vos pudeurs, vos vertus et vos austérités, ’ '
N’ont qu’un souci, sé vendre, et sont des Rigolboches
Dansant leur danse impure au fond -de vôs-caboches.
Négocier sa voix, brocanter son serment,
Livrer au plus offrant son âme habilement
Et sans qu’il y paraisse, est votre art, et j’atteste
Troplong qui réussit le tour manqué par Teste. —
Troplong a le collier et Teste a le carcan
Au fond c’est le même homme et c’est le même encan.
Vous êtes bien les vrais successeurs des vieux cuistres
Qui peuplaient la Grand’Chambre au temps des rois sinistres,
Et qui dans leurs décrets mêlaient le vrai, le faux,

Le bien, le mal, l’horreur, la mort, les échafauds,
Lourds, et dissimulant cette pointe assassine
Par l’assaisonnement d’un latin de cuisine !

Votre sentence ira pourrir dans le vieux tas
De leurs indignités et de leurs attentats.
Vous imaginez-vous, ô sombres imbéciles,
Qu’après l’arrêt bavé par vos bouches fossiles,
Tout est dit ; que c’est fait ; que vous avez ôté
Du monde l’équilibre et des cœurs l’équité,
Que vous êtes, magots toussant dans vos flanelles,
Quelque chose à côté des clartés éternelles,
Et qu’il sort du bouquin légal un tel pouvoir
Que l’homme empêche Dieu de faire son devoir !

Ah ! Ton pourra puiser au fond des écritoires
Les galimatias et les réquisitoires
Et la prose infamante où Broë triomphait,
Et cracher sur ce spectre, et dire : c’est bien fait !
Ah ! l’on entassera tant qu’on voudra la honte ;
Le juge, le bailli, le capitoul, l’archonte,
Toutes les robes d’ombre et tous les bonnets noirs,
Tous les hiboux ayant les greffes pour manoirs,