Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome XIV.djvu/428

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Le sort s’est acharné sur cette créature.
C’était peu Aue cet être eût la prunelle obscure,
L’oeil éteint, le front bas, le cri rauque, et des noeuds
D’opprobre et de misère à ses genoux cagneux;
Qu’il fût difforme, abject, vil ; il fallait encore
Que, battu, fouetté, maigre, et marchant dès l’aurore
Sous un fardeau trop lourd pour sa force, il courbât
Son échine sàignante aux boucles de son bât.
Et cependant l’ortie, à ses pieds, sur la routé,
Liée au sol tandis qu’il va, vient, passe et broute,
Muette, ne pouvant fuir ni changer de lieu,
Tremblante sous la dent de l’âne, le croit dieu.
Et plus bas, car la brume a la nuit pour voisine,
Seul dans la terre aveugle et noire, sans racine,
Sans germe, sans lien avec quoi que ce soit,
Le caillou, sourd, stérile, informe, .inerte, froid,
Sent au-dessus de lui la plante frémir, vivre,
Fleurir dans la clarté dont l’infini s’enivre,
Et croître, et s’abreuver au souffle universel,
Et, dur, triste, envieux, dit : L’ortie est au ciel !

Descends ; tu trouveras des jaloux de la pierre.
Les zones sont sans fin dans cette fondrière !
Monte; monte aussi haut que peut s’élever l’oeil;