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XXVIII

… Bernard suit en courant les rives de l’Arlança. Il est semblable à un lion qui sort de son antre, cherchant les chasseurs, et déterminé à les vaincre ou à mourir.
Il est parti, l’espagnol vaillant et déterminé !
C’est d’un pas rapide, une grosse lance au poing, dans laquelle il met ses espérances, que Bernard suit les rives de l’Arlança.
Romances espagnoles.


Un citoyen. — Ne me parle pas de lui, son nom donne la mort.
Clara. — Moi ! je ne prononcerai pas son nom ?… Que faites-vous, hommes honnêtes ? votre esprit est-il troublé ? votre raison perdue ? Ne me regardez donc pas avec cet air inquiet et craintif, ne baissez donc pas les yeux avec effroi…
Le citoyen. — Dieu nous préserve de vous écouter plus longtemps ! il en résulterait quelque malheur !
Gœthe, le Comte d’Egmont.



Ordener, descendu de la tour d’où il avait aperçu le fanal de Munckholm, s’était longtemps fatigué à chercher de tous côtés son pauvre guide Benignus Spiagudry. Longtemps il l’avait appelé, et l’écho brisé des ruines avait seul répondu. Surpris, mais non effrayé de cette inconcevable disparition, il l’avait attribuée à quelque terreur panique du craintif concierge, et, après s’être généreusement reproché de l’avoir quitté quelques instants, il s’était décidé à passer la nuit sur le rocher d’Oëlmœ pour lui donner le temps de revenir. Alors il prit quelque nourriture, et s’enveloppant de son manteau, il se coucha près du foyer qui s’éteignait, déposa un baiser sur la boucle de cheveux d’Éthel, et ne tarda pas à s’endormir ; car on peut dormir avec un cœur inquiet quand la conscience est tranquille.

Au soleil levant, il était debout, mais il ne retrouva de Spiagudry que sa besace et son manteau laissés dans la tour, ce qui semblait l’indice d’une fuite très précipitée. Alors, désespérant de le revoir, du moins sur le rocher d’Oëlmœ, il se détermina à partir sans lui, car c’était le lendemain qu’il fallait atteindre Han d’Islande à Walderhog.