Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/230

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Ordener étourdi avait à peine eu le temps de reprendre son sang-froid, qu’une seconde masse de pierre se balançait dans les mains du brigand. Irrité de se voir ainsi lapider lâchement, il s’élança vers le petit homme, le sabre haut, afin de changer de combat ; mais le bloc formidable, parti comme un tonnerre, rencontra, en roulant dans l’atmosphère épaisse et sombre de la caverne, la lame frêle et nue sur son passage ; elle tomba en éclats comme un morceau de verre, et le rire farouche du monstre remplit la voûte.

Ordener était désarmé.

— As-tu, cria le monstre, quelque chose à dire à Dieu ou au diable avant de mourir ?

Et son œil lançait des flammes, et tous ses muscles s’étaient roidis de rage et de joie, et il s’était précipité avec un frémissement d’impatience sur sa hache laissée à terre dans les plis du manteau. — Pauvre Éthel !

Tout à coup un rugissement lointain se fait entendre au dehors. Le monstre s’arrête. Le bruit redouble ; des clameurs d’hommes se mêlent aux grondements plaintifs d’un ours. Le brigand écoute. Les cris douloureux continuent. Il saisit brusquement la hache et s’élance, non vers Ordener, mais vers l’une des crevasses dont nous avons parlé et qui donnaient passage au jour. Ordener, au comble de la surprise de se voir ainsi oublié, se dirige comme lui vers l’une de ces portes naturelles, et voit dans une clairière assez voisine, un grand ours blanc réduit aux abois par sept chasseurs, parmi lesquels il croit même distinguer ce Kennybol dont les paroles l’avaient tant frappé la veille.

Il se retourne. Le brigand n’était plus dans la grotte, et il entend au dehors une voix effrayante qui criait :

— Friend ! Friend ! je suis à toi ! me voici !