Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/346

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— Point de cadavre à moins de deux ducats d’or, répéta le brigand immobile.

Le bourreau, après un moment de silence, frappa la terre du pied :

— Allons, le temps me presse. Je suis appelé ailleurs.

Il tira de sa veste un sac de cuir qu’il ouvrit lentement et comme à regret.

— Tiens, maudit démon d’Islande, voilà tes deux ducats. Satan ne donnerait certes pas de ton âme ce que je donne de ton corps.

Le brigand reçut les deux pièces d’or. Aussitôt le guichetier avança la main pour les reprendre.

— Un instant, compagnon, donne-moi d’abord ce que je t’ai demandé.

Le guichetier sortit, et revint un moment après, apportant une botte de paille fraîche et un réchaud plein de charbons ardents, qu’il plaça près du condamné.

— C’est cela, dit le brigand en lui remettant les deux ducats, je me chaufferai cette nuit. — Encore un mot, ajouta-t-il d’une voix sinistre : — Le cachot ne touche-t-il pas à la caserne des arquebusiers de Munckholm ?

— Cela est vrai, répartit le guichetier.

— Et d’où vient le vent ?

— De l’est, je crois.

— C’est bon, reprit le brigand.

— Où veux-tu donc en venir, camarade ? demanda le guichetier.

— À rien, répondit le brigand.

— Adieu, camarade, à demain de bonne heure.

— Oui, à demain, répéta le brigand.

Et le bruit de la lourde porte, qui se refermait, empêcha le bourreau et son compagnon d’entendre le ricanement sauvage et goguenard qui accompagnait ces paroles.