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BUG-JARGAL.

plusieurs de ces corsaires. M. Colas de Maigné et huit autres colons distingués furent détachés par ses ordres de la roue où Boukmann les avait fait lier. On citait de lui mille autres traits de générosité qu’il serait trop long de vous rapporter.

Mon espoir de vengeance ne paraissait pas près de s’accomplir. Je n’entendais plus parler de Pierrot. Les rebelles commandés par Biassou continuaient d’inquiéter le Cap. Ils avaient même une fois osé aborder le morne qui domine la ville, et le canon de la citadelle avait eu de la peine à les repousser. Le gouverneur résolut de les refouler dans l’intérieur de l’île. Les milices de l’Acul, du Limbé, d’Ouanaminte et de Maribarou, réunies au régiment du Cap et aux redoutables compagnies jaune et rouge, constituaient notre armée active. Les milices du Dondon et du Quartier-Dauphin, renforcées d’un corps de volontaires, sous les ordres du négociant Poncignon, formaient la garnison de la ville.

Le gouverneur voulut d’abord se délivrer de Bug-Jargal, dont la diversion l’alarmait. Il envoya contre lui les milices d’Ouanaminte et un bataillon du Cap. Ce corps rentra deux jours après, complètement battu. Le gouverneur s’obstina à vouloir vaincre Bug-Jargal ; il fit repartir le même corps avec un renfort de cinquante dragons jaunes et de quatre cents miliciens de Maribarou. Cette seconde armée fut encore plus maltraitée que la première, Thadée, qui était de cette expédition, en conçut un violent dépit, et me jura à son retour qu’il s’en vengerait sur Bug-Jargal.

Une larme roula dans les yeux de d’Auverney ; il croisa les bras sur sa poitrine, et parut durant quelques minutes plongé dans une rêverie douloureuse ; enfin il reprit.