Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/47

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— Triste ? que s’est-il donc passé entre lui et son père ? Ce mariage lui déplaît-il ?

— Je l’ignore. Mais on dit que sa sérénité l’exige.

— L’exige ! vous dites, Poël, que le vice-roi l’exige ! Mais pour qu’il l’exige, il faut qu’Ordener s’y refuse.

— Je l’ignore, excellence. Il paraît triste.

— Triste ! savez-vous comment son père l’a reçu ?

— La première fois, c’était dans le camp, près Bergen. Sa sérénité a dit : Je ne vous vois pas souvent, mon fils. — Tant mieux pour moi, mon seigneur et père, a répondu mon maître, si vous vous en apercevez. Puis il a donné à sa sérénité des détails sur ses courses du Nord ; et sa sérénité a dit : C’est bien. Le lendemain, mon maître est revenu du palais, et a dit : On veut me marier ; mais il faut que je voie mon second père, le général Levin. — J’ai sellé les chevaux, et nous voilà.

— Vrai, mon bon Poël, dit le général d’une voix altérée, il m’a appelé son second père ?

— Oui, votre excellence.

— Malheur à moi si ce mariage le contrarie, car j’encourrai plutôt la disgrâce du roi que de m’y prêter. Mais cependant, la fille du grand-chancelier des deux royaumes !… À propos, Poël, Ordener sait-il que sa future belle-mère, la comtesse d’Ahlefeld, est ici incognito depuis hier, et que le comte y est attendu ?

— Je l’ignore, mon général.

— Oh ! se dit le vieux gouverneur, oui, il le sait, car pourquoi aurait-il battu en retraite dès son arrivée ?

Ici le général, après avoir fait un signe de bienveillance à Poël, et salué la sentinelle qui lui présentait les armes, rentra inquiet dans l’hôtel d’où il venait de sortir inquiet.