Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/77

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— Je ne suis point son ami, et moins encore son complice ; et si mes serments ne vous ont pas persuadé, seigneur, veuillez de grâce remarquer que cette profanation détestable m’expose, dans vingt-quatre heures, quand on viendra relever le corps de Gill Stadt, au supplice des sacrilèges, et me jette ainsi dans la plus effroyable inquiétude où innocent se soit jamais trouvé.

Ces considérations d’intérêt personnel firent encore plus sur Ordener que la voix suppliante du pauvre gardien, auquel elles avaient probablement inspiré en bonne partie sa pathétique, quoique inutile résistance au sacrilège du petit homme. Ordener parut méditer un moment, pendant lequel Spiagudry cherchait à lire sur son visage si ce repos déciderait la paix ou ramènerait la tempête.

Enfin il dit d’un ton sévère, mais calme :

— Vieillard, soyez véridique. Avez-vous trouvé des papiers sur cet officier ?

— Aucun, sur mon honneur.

— Savez-vous si Han d’Islande en a trouvé ?

— Je vous jure par saint Hospice que je l’ignore.

— Vous l’ignorez ? savez-vous où se cache ce Han d’Islande ?

— Il ne se cache jamais, il erre toujours.

— Soit ; mais enfin quelles sont ses retraites ?

— Ce payen, répondit le vieillard à voix basse, a autant de retraites que l’île de Hitteren a de récifs, que l’étoile Sirius a de rayons…

— Je vous engage de nouveau, interrompit Ordener, à parler en termes positifs. Je vais vous donner l’exemple ; écoutez. Vous êtes mystérieusement lié avec un brigand dont vous soutenez ne pas être le complice. Si vous le connaissez, vous devez savoir où il s’est maintenant retiré. — Ne m’interrompez pas. — Si vous n’êtes pas son complice, vous n’hésiterez pas à me conduire à sa recherche.

Spiagudry ne put contenir son effroi.

— Vous, noble seigneur, vous, grand Dieu ! plein de jeunesse et de vie, provoquer, rechercher ce démoniaque ! Quand Ingiald aux quatre bras combattit le géant Nyctolm, du moins avait-il quatre bras…

— Eh bien, dit Ordener en souriant, s’il faut quatre bras, ne serez-vous pas mon guide ?

— Moi ! votre guide ! Comment pouvez-vous vous railler ainsi d’un pauvre vieillard qui a déjà presque besoin d’un guide lui-même ?

— Écoutez, reprit Ordener, n’essayez pas vous-même de vous jouer de moi. Si cette profanation, dont je veux bien vous croire innocent, vous expose au châtiment des sacrilèges, vous ne pouvez rester ici. Il vous faut