Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/89

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— Noble Ordener, dit-il, adieu. — Et levant une main vers le ciel, il disparut derrière les broussailles.

Quand Ordener se retourna, il vit, sur le roc bruni par la mousse, Éthel pâle, comme une statue d’albâtre sur un piédestal noir.

— Juste Dieu, mon Éthel ! dit-il se précipitant près d’elle et la soutenant dans ses bras, qu’avez-vous ?

— Oh ! répondit la tremblante jeune fille d’une voix qu’on entendait à peine, oh ! si vous avez, non quelque amour, mais quelque pitié pour moi, seigneur, si vous ne me parliez pas hier tout à fait pour m’abuser, si ce n’est pas pour causer ma mort que vous avez daigné venir dans cette prison ; seigneur Ordener, mon Ordener, renoncez, au nom du ciel, au nom des anges, renoncez à votre projet insensé ! Ordener, mon bien-aimé Ordener ! poursuivit-elle, — et ses larmes s’échappaient avec abondance, et sa tête s’était penchée sur le sein du jeune homme, — fais-moi ce sacrifice. Ne poursuis pas ce brigand, cet affreux démon, que tu veux combattre. Dans quel intérêt y vas-tu, Ordener ? Dis-moi, quel intérêt peut t’être plus cher que celui de la malheureuse que tu nommais hier ta bien-aimée épouse ?

Elle s’arrêta suffoquée par les sanglots. Ses deux bras étaient attachés par ses mains jointes au cou d’Ordener, sur les yeux duquel elle fixait ses yeux suppliants.

— Mon Éthel adorée, vous vous alarmez à tort. Dieu soutient les bonnes intentions, et l’intérêt pour lequel je m’expose n’est autre que le vôtre. Ce coffret de fer renferme…

Éthel l’interrompit.

— Mon intérêt ! ai-je un autre intérêt que ta vie ? Et si tu meurs, Ordener, que veux-tu que je devienne ?

— Pourquoi penses-tu que je mourrai, Éthel ?

— Ah ! tu ne connais donc pas ce Han, ce brigand infernal ? Sais-tu à quel monstre tu cours ? Sais-tu qu’il commande à toutes les puissances des ténèbres ? qu’il renverse des montagnes sur des villes ? que son pas fait crouler les cavernes souterraines ? que son souffle éteint les fanaux sur les rochers ? Et crois-tu, Ordener, résister à ce géant aidé du démon, avec tes bras blancs et ta frêle épée ?

— Et vos prières, Éthel, et l’idée que je combats pour vous ? Sois-en sûre, mon Éthel, on t’a beaucoup exagéré la force et le pouvoir de ce brigand. C’est un homme comme nous, qui donne la mort jusqu’à ce qu’il la reçoive.

— Tu ne veux donc pas m’écouter ? mes paroles ne sont donc rien pour toi ? Que veux-tu, dis-moi, que je devienne si tu pars, si tu vas errer de