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HISTORIQUE DES MISÉRABLES.

rables : l’Idylle rue Plumet, l’Épopée rue Saint-Denis, et nous avons retrouvé dans le roman les faits mentionnés dans ce manuscrit, même des phrases textuelles ou légèrement modifiées, ou quelque incident simplement mentionné sur cette sorte de mémento et très développé dans des chapitres. Ainsi dans le livre dixième, le 5 juin 1832, chapitre iv, les Bouillonnements d’autrefois, chapitre v, Originalité de Paris, écrits en 1845-1848, puis, dans le livre douzième, Corinthe, chapitre iv, Essai de consolation sur la veuve Hucheloup, datant de 1860-1862, puis dans le livre quatorzième, les Grandeurs du désespoir, chapitre ii, le Drapeau, deuxième acte, écrit en 1845-1848, on retrouve toute la substance de ces notes. Ce qui mérite d’attirer l’attention, c’est qu’au milieu de ces notes mêmes qui ont surtout servi pour le livre le 5 juin 1832, on lit d’autres notes qui ont pris place dans la cinquième partie, Jean Valjean. Or cette partie date tout entière de 1860-1862; et dans le livre premier, la Guerre entre quatre murs : chapitre xiii, Lueurs qui passent, chapitre xviii, le Vautour devenu proie, chapitre xxiii, Oreste à jeun et Pylade ivre, en faisant la comparaison entre les indications jetées sur cette feuille et le texte même, on peut constater que les notes ont été utilisées pour la rédaction de ces chapitres. Donc, quoique la cinquième partie ait été faite tout entière en 1860-1862, elle avait été arrêtée dans l’esprit de Victor Hugo en 1845-1848, et par conséquent le roman était, on peut le dire, bâti dans ses quatre parties et conçu dans sa cinquième à cette époque. Mais en 1860-1862 Victor Hugo révise, complète et achève son œuvre.


JOURNAL ET CARNETS.


C’est ici que la marche chronologique du roman trouve sa place. On trouvera des renseignements sur la période de 1845-1848 dans la description du manuscrit, nous les compléterons par quelques lignes extraites du Journal ; quant à la période de 1860-1862, les carnets nous fourniront des indications précises et nombreuses.

Victor Hugo appelait autrefois son « journal » ce qu’il désignait plus tard sous le nom de Carnets. Le journal a été commencé sur des feuilles détachées en 1846 et interrompu en 1848. Il signale les événements, les conversations, les faits et gestes de la vie courante ; il ne mentionne pas, comme dans les carnets, les dépenses et les indications détaillées sur la marche du travail. En ce qui concerne les Misérables, les renseignements sont rares et très sommaires dans le journal.

On lit à la date de 1847 :


1er octobre : j’ai repris Jean Tréjean.
20 octobre : j’ai repris Jean Tréjean.


En raison de ces interruptions, Victor Hugo sentait la nécessité de hâter son travail, c’était l’époque où il songeait à préciser le traité conclu antérieurement en 1832 avec ses éditeurs Gosselin et Renduel, et on lit dans son journal :


28 octobre : je ne dîne plus qu’à neuf heures afin d’allonger ma journée de travail. Je ferai ainsi pendant deux mois pour avancer Jean Tréjean.
9 février 1848 : je me suis décidé à changer Thomas en Marius.
14 février 1848 : Interrompu Jean Tréjean pour la loi des prisons.


Victor Hugo appartenait à la Chambre des pairs. Le système cellulaire venait d’être amendé, on se préoccupait d’élaborer un nouveau projet de loi sur les prisons.


En février 1848, son travail était définitivement suspendu pour cause de révolution. Et pendant plus de trois ans il laisse de côté son roman ; il se donne tout entier à la politique, il est élu à l’Assemblée constituante, il y prononce