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HISTORIQUE DES MISÉRABLES.

livre aurait un titre. Les sections n’auraient que des chiffres.

Ainsi on ferait de l’évêque un livre — avec sections chiffrées — cela est déjà indiqué.

Ainsi de la noce de Marius et de Cosette un livre. Avec sections chiffrées à partir de la nuit du 16 au 17 février. Jean Valjean serait la clôture de cette noce.

Peut-être serait-il bon d’ajouter aux chiffres des sections un sous-titre en petit romain gras. Examiner cela.


Donc, le 13 juillet 1861, Victor Hugo quittait Mont-Saint-Jean, et du 14 juillet au 3 septembre il voyageait en Belgique et en Hollande. Il rentrait à Guernesey le 3 septembre par un gros temps. À ce moment, il devait, ainsi qu’on a pu s’en convaincre par la note du 13 juillet, réviser son roman, écrire de nouveaux chapitres, et, à peine arrivé, on lui faisait des offres d’achat. Cependant il ne se remettait au travail que le 16 septembre, et il répondait par lettre aux propositions qui lui venaient de Belgique ; il signait un traité le 4 octobre. Nous en parlerons dans le volume suivant. Cet engagement ne troublait en rien la marche du travail, telle qu’il l’avait fixée. Il avait repris tout son manuscrit et l’avait relu d’abord tout entier jusqu’au 26 octobre. Il se consacra à sa première partie, Fantine, qu’il livrait à ses éditeurs le 5 décembre et, pendant l’impression, il poursuivait le travail de révision qu’il achevait le 26 mai 1862.

Nous terminons ici cette première partie de l’historique. Nous avons indiqué les origines et les sources des Misérables ; montré que les personnages n’étaient pas simplement des créations fictives, mais bien des êtres vivants, réels, avec la part de fantaisie et d’invention qu’on doit attendre d’une imagination aussi fertile et aussi prodigieuse que celle de Victor Hugo ; nous avons parcouru les diverses étapes du travail pendant les deux périodes de 1845-1848 et de 1860-1862.

Dans le volume suivant nous parlerons des négociations et des traités avec les éditeurs, de la fabrication matérielle de l’œuvre, et de la mise en vente. On verra par quelle succession d’émotions passaient l’auteur et les éditeurs, lorsque, dans le cours de la publication, ils redoutaient les représailles du gouvernement français. Ce ne sera pas un des chapitres les moins intéressants de l’histoire d’un roman épié, surveillé, guetté par la censure impériale.

En résumé, le roman des Misérables publié en dix volumes avait imposé à Victor Hugo d’abord deux ans et trois mois de travail, du 17 novembre 1845 au 21 février 1848, puis six mois de travail, de janvier au 30 juin 1861, soit en tout deux ans et neuf mois, une période de méditation vers 1830 que nous ne pouvons évaluer, et une autre période de huit mois du 25 avril au 30 décembre 1860, enfin un travail de révision d’environ neuf mois et demi du 3 septembre 1861 au 24 mai 1862. Il avait vingt-huit ans quand il concevait son œuvre, quarante-trois ans quand il commençait à l’écrire, cinquante-neuf ans quand il l’achevait. Et à ceux qui le représentaient comme ayant déjà acquis une grosse fortune il pouvait répondre ce qu’il a répondu à Octave Lacroix dans sa lettre du 30 juin 1862 :


Ma fortune, fort ébranlée et presque détruite par le coup d’État, a été un peu réparée par le livre Les Misérables.


Il avait soixante ans. C’est une des œuvres assurément auxquelles il a consacré le plus de temps durant toute sa carrière. C’est elle qui, avec Notre-Dame de Paris, en pénétrant dans tous les publics, répandit partout son nom et universalisa sa gloire.