Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/244

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XIV

CE QUE FAIT L’IMÂNUS.

Pendant que le marquis s’occupait de la brèche et de la tour, l’Imânus s’occupait du pont. Dès le commencement du siège, l’échelle de sauvetage, suspendue transversalement en dehors et au-dessous des fenêtres du deuxième étage, avait été retirée par ordre du marquis, et placée par l’Imânus dans la salle de la bibliothèque. C’est peut-être à cette échelle-là que Gauvain voulait suppléer. Les fenêtres du premier étage entresol, dite salle des gardes, étaient défendues par une triple armature de barreaux de fer scellés dans la pierre, et l’on ne pouvait ni entrer ni sortir par là.

Il n’y avait point de barreaux aux fenêtres de la bibliothèque, mais elles étaient très hautes.

L’Imânus se fit accompagner de trois hommes, comme lui capables de tout et résolus à tout. Ces hommes étaient Hoisnard, dit Branche-d’Or, et les deux frères Pique-en-Bois. L’Imânus prit une lanterne sourde, ouvrit la porte de fer, et visita minutieusement les trois étages du châtelet du pont. Hoisnard Branche-d’Or était aussi implacable que l’Imânus, ayant eu un frère tué par les républicains.

L’Imânus examina l’étage d’en haut, regorgeant de foin et de paille, et l’étage d’en bas, dans lequel il fit apporter quelques pots à feu, qu’il ajouta aux tonnes de goudron ; il fit mettre le tas de fascines de bruyères en contact avec les tonnes de goudron, et il s’assura du bon état de la mèche soufrée dont une extrémité était dans le pont et l’autre dans la tour. Il répandit sur le plancher, sous les tonnes et sous les fascines, une mare de goudron où il immergea le bout de la mèche soufrée ; puis il fit placer dans la salle de la bibliothèque, entre le rez-de-chaussée où était le goudron et le grenier où était la paille, les trois berceaux où étaient René-Jean, Gros-Alain et Georgette, plongés dans un profond sommeil. On apporta les berceaux très doucement pour ne point réveiller les petits.

C’étaient de simples petites crèches de campagne, sortes de corbeilles d’osier très basses qu’on pose à terre, ce qui permet à l’enfant de sortir du berceau seul et sans aide. Près de chaque berceau, l’Imânus fit placer une écuelle de soupe avec une cuiller de bois. L’échelle de sauvetage décrochée de ses crampons avait été déposée sur le plancher, contre le mur ; l’Imânus fit ranger les trois berceaux bout à bout le long de l’autre mur en regard de l’échelle. Puis, pensant que des courants d’air pouvaient être utiles, il ouvrit