Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/334

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Alors c’est bien. Va, fais les affaires des anglais. Déserte. Passe à l’ennemi. Sauve Lantenac et trahis la France.

Et il frémissait.

Ta solution n’en est pas une, ô songeur ! — Gauvain voyait dans l’ombre le sinistre sourire du sphinx.

Cette situation était une sorte de carrefour redoutable où les vérités combattantes venaient aboutir et se confronter, et où se regardaient fixement les trois idées suprêmes de l’homme, l’humanité, la famille, la patrie.

Chacune de ces voix prenait à son tour la parole, et chacune à son tour disait vrai. Comment choisir ? Chacune à son tour semblait trouver le joint de sagesse et de justice, et disait : Fais cela. Était-ce cela qu’il fallait faire ? Oui. Non. Le raisonnement disait une chose ; le sentiment en disait une autre ; les deux conseils étaient contraires. Le raisonnement n’est que la raison, le sentiment est souvent la conscience ; l’un vient de l’homme, l’autre de plus haut.

C’est ce qui fait que le sentiment a moins de clarté et plus de puissance.

Quelle force pourtant dans la raison sévère !

Gauvain hésitait.

Perplexités farouches.

Deux abîmes s’ouvraient devant Gauvain. Perdre le marquis ? ou le sauver ? Il fallait se précipiter dans l’un ou dans l’autre.

Lequel de ces deux gouffres était le devoir ?