LIVRE TROISIÈME.
HALMALO.
I
LA PAROLE, C’EST LE VERBE.
Le vieillard redressa lentement la tête.
L’homme qui lui parlait avait environ trente ans. Il avait sur le front le hâle de la mer ; ses yeux étaient étranges ; c’était le regard sagace du matelot dans la prunelle candide du paysan. Il tenait puissamment les rames dans ses deux poings. Il avait l’air doux.
On voyait à sa ceinture un poignard, deux pistolets et un rosaire.
— Qui êtes-vous ? dit le vieillard.
— Je viens de vous le dire.
— Qu’est-ce que vous me voulez ?
L’homme quitta les avirons, croisa les bras et répondit :
— Vous tuer.
— Comme vous voudrez, dit le vieillard.
L’homme haussa la voix.
— Préparez-vous.
— À quoi ?
— À mourir.
— Pourquoi ? demanda le vieillard.
Il y eut un silence. L’homme sembla un moment comme interdit de la question. Il reprit :
— Je dis que je veux vous tuer.
— Et je vous demande pourquoi ?
Un éclair passa dans les yeux du matelot.
— Parce que vous avez tué mon frère.
Le vieillard repartit avec calme :
— J’ai commencé par lui sauver la vie.
— C’est vrai. Vous l’avez sauvé d’abord et tué ensuite.
— Ce n’est pas moi qui l’ai tué.