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NOTES DE L’ÉDITEUR.

trois séries pour faciliter l’arrangement avec Renduel qui était toujours le maître de la première série en deux volumes. Fort de la confiance qu’il avait dans la réussite, il cherchait à s’aboucher avec Renduel. L’occasion favorable se présenta sans qu’il la provoquât ; il en avise Charles Hugo le 8 juin 1861 :


Mon cher ami,

Écris tout de suite à ton père ce qui suit :

M. Hachette s’est trouvé en rapport avec Renduel dernièrement…

Il est résulté de la conversation ceci : une proposition de Renduel de céder pour 5,000 francs sa part de droits dans le traité qui gêne ton père.

Cette somme n’est pas hors de proportion avec la chose vendue.

Et si, du même coup, Pagnerre voulait céder aussi et au même prix ses droits, ce serait une excellente affaire.

En tout cas, et même en ne se rendant propriétaire que de la part de M. Renduel, l’affaire est à accepter. En effet : on sera l’associé de Pagnerre dans son droit, et, quoi qu’il arrive, on l’empêcherait d’en abuser. Or il ne pourrait prendre aucun parti sans le consentement de son associé.

M. Hachette a écrit tout cela à ton père, mais à Guernesey. Peut-être la lettre ne lui arrivera-t-elle pas vite.

Or Renduel n’est engagé que jusqu’à samedi. Que faut-il faire ?

Ton père veut-il racheter ou que je rachète pour lui ou que j’achète pour moi ?

Hachette, lui, ne paraît pas vouloir acheter pour son compte et se prêtera à la combinaison qu’on voudra.

Mais pour acheter, si ton père se décide, il faut 5,000 fr. M. V. Hugo les a-t-il ? Veut-il que je les lui cherche ?

Tout à toi et réponse prompte.

J. Hetzel.

Hetzel aurait tenu le roman grâce à cette combinaison préparée avec le consentement de Renduel. En tout cas il était assuré cette fois d’avoir une réponse de Victor Hugo et de savoir a quoi s’en tenir définitivement.


Charles Hugo transmit aussitôt cette lettre à son père. La réponse ne se fit pas attendre. Victor Hugo écrivit à son fils qu’il refusait l’offre de Renduel. Toutes les espérances d’Hetzel s’évanouissaient.

Victor Hugo maintenait donc, le 8 juin 1861, le traité Renduel ; les deux premiers volumes des Misérables appartenaient à Renduel et à Pagnerre, devenu, par la mort de Gosselin, son associé. L’œuvre n’étant pas encore entièrement prête, Victor Hugo ne se pressait pas pour traiter. Il laissait venir à lui les éditeurs, écoutait leurs offres et travaillait, très désireux de conserver jusqu’à la dernière heure la liberté de son choix.

Du 14 juillet au 3 septembre, il voyageait en Hollande et en Belgique. Il rentrait à Guernesey le 3, et il trouvait, en arrivant, cette lettre de MM. Lacroix et Verboeckhoven :


Bruxelles, 31 août 1861.

Monsieur Victor Hugo,

Nous venons d’apprendre que vous êtes de retour du voyage que vous aviez entrepris en Belgique. Nous avons eu l’honneur de vous adresser une lettre pendant votre absence à l’effet d’obtenir de vous la faveur d’une audience pour notre sieur A. Lacroix. Il s’agirait de la publication de l’œuvre nouvelle que vous venez de terminer : les Misérables.

Nous ne savons si vous êtes en possession de notre lettre ; nous prenons là liberté de vous rappeler l’objet de notre demande et de vous prier de fixer le jour et l’heure, à votre convenance, auxquels vous pourriez recevoir notre sieur Lacroix.

Nous vous réitérons, Monsieur, l’expression de nos sentiments de vive et sympathique admiration.

A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie

Charles Hugo était à Bruxelles ; Lacroix va immédiatement le trouver pour lui faire part de ses désirs.

Il fallait entendre Charles Hugo raconter cette entrevue avec son esprit, sa verve, sa bonne humeur, et reconsti-