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NOTES DE L’ÉDITEUR.

quent en affaires, le marchandage. Si vos conditions sont de nature à nous permettre de traiter, nous vous le dirons aussitôt ; au cas contraire, nous vous exposerions franchement les raisons qui ne nous permettraient pas de nous engager. Mais dans toute hypothèse d’un contrat. Monsieur, nous tenons à vous informer que nos intentions seraient de traiter au comptant. Nous espérons que ces déclarations vous inspireront confiance dans notre manière de procéder et que vous voudrez bien de votre côté nous préciser vos intentions et nous traiter aussi favorablement que possible.

Trois systèmes se présentent :

1° Une vente définitive du manuscrit ; 2° la vente d’une, de deux, de trois éditions ; 3° la cession de la propriété pendant un nombre d’années à convenir et suffisant pour nous permettre de bien mener l’opération. — Quelles seraient vos dernières conditions dans chacun de ces systèmes et jusqu’où iraient les droits que vous nous concéderiez en partant toujours de paiements au comptant faits par nous à la remise du manuscrit.

— La première question sur laquelle nous aurions besoin d’éclaircissements, celle qui doit déterminer la valeur du marché à conclure, serait de connaître l’étendue exacte du manuscrit des Misérables.

— En second lieu quel est le caractère de l’œuvre ? contient-elle une partie politique ?

— Enfin à quelle époque l’ouvrage pourrait-il paraître ?

Nous espérons, Monsieur, que vous ne nous refuserez pas ces divers renseignements, nécessaires comme point de départ de nos négociations.

Nous ne croyons pas devoir vous assurer de l’honorabilité de notre maison : la meilleure garantie que nous puissions vous offrir à cet égard, c’est le paiement anticipatif.

A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie.


Au haut de cette lettre Victor Hugo écrit :


Rép. par Charles : 8 ans, 250,000 fr. Ne pas réimprimer dans les derniers mois — avec le droit de traduction, 300,000 fr.


Des relations étaient désormais établies entre Victor Hugo et Albert Lacroix , et une correspondance très active devait être échangée entre eux. M. Adolphe Brisson a publié, dans le Temps, des articles fort intéressants dans lesquels il a cité plusieurs lettres que nous lui emprunterons, notamment cette réponse de Victor Hugo à son fils Charles :


5 septembre 1861.
Mon cher Charles,

Voici ma réponse aux questions de MM. Lacroix et Verboeckhoven.

L’ouvrage n’est pas politique. La partie politique est purement historique : Waterloo, le règne de Louis-Philippe, l’insurrection de juin 1832 (convoi du général Lamarque), et le livre, commençant en 1815, finit en 1835. Aucune allusion, donc, au régime présent. D’ailleurs c’est un drame, un drame social, le drame de notre société et de notre temps. Il aura 8 volumes au moins, 9 peut-être et sera divisé en 3 parties ayant chacune un titre spécial et destinées à paraître successivement aux époques qui conviendront aux éditeurs, de mois en mois, par exemple. La révision que je fais sera finie dans deux mois au plus tard. Le livre pourrait donc paraître en février comme Notre-Dame de Paris. Et si c’était le 13 février, ce serait trente ans après, jour pour jour. Ce 13 n’a pas porté malheur à Notre-Dame.

Quant à mon prix, tu le connais. C’est 250,000 francs comptant, pour huit années d’exploitation, avec la réserve de ne pouvoir réimprimer dans les six derniers mois. Je me réserve le droit de traduction. Si on voulait me l’acheter également, le prix total serait de 300,000 francs ; le produit de la traduction partout sera, je crois, considérable. Il est à ta connaissance que 300 livres sterling comptant vont m’être payées en Angleterre pour le seul droit de traduction des deux volumes de la Légende des Siècles.


Ces négociations avaient été ébruitées.

Hetzel était à Spa ; Mme Victor Hugo, s’y trouvant avec sa fille, apprit à Hetzel que Victor Hugo avait cédé ses Misérables à Lacroix, que Charles Hugo avait été l’intermédiaire et avait fait prix pour