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NOTES DE L’ÉDITEUR.

contre-lettre qui déclare que l’écrit ci-joint ne lui constitue aucun titre vis-à-vis de vous ni de nous : fictivement et pour ses confrères allemands, il sera l’éditeur ou censé tel et mettra son nom sur les exemplaires destinés à l’Allemagne ainsi que sur la traduction allemande ; — réellement il nous donne un acte qui reconnaît qu’il n’agit que pour notre compte et comme notre représentant.


Et Lacroix ajoute le texte de la pièce que Victor Hugo doit signer, mentionnant sous la forme de certificat le droit conféré à M. Steinacher-Einhorn.

Et il termine :


Vous apprécierez, cher Monsieur, l’utilité de cette pièce. Vous comprendrez ainsi les difficultés que nous avons à aplanir dans chaque pays pour empêcher les contrefaçons.


Nous avons reproduit cette lettre parce qu’elle établit nettement la question au sujet des contrefaçons.

Lacroix s’en inquiète ; il remercie Victor Hugo, dans sa lettre du 23 janvier, de sa rapidité à renvoyer ses épreuves corrigées car il a appris que des contrefacteurs cherchent à avoir connaissance des Misérables et à se procurer des feuilles :


Or, maintenant que l’impression s’effectue, c’est par la rapidité d’exécution qu’il faut les surprendre, afin de lancer coup sur coup le plus de volumes possible, ce qui ne permet plus aux contrefacteurs de songer à réimprimer, à cause du temps qu’exige pour eux la fabrication de 3, 4 ou 5 volumes, temps plus considérable que pour un volume… C’est la même raison, vous le savez, qui nous détermine à ne point commencer trop tôt l’impression à Paris ; observez que M. Claye m’a promis d’imprimer et de tirer un volume par cinq jours… Il sera largement temps de commencer l’impression à Paris quand nous approcherons de la fin de la première partie dans notre édition. En effet, si nous voulons empêcher et tuer la contrefaçon, il n’y a qu’un moyen, c’est de fournir les marchés étrangers où il n’y a pas de traités, tels que l’Amérique, la Suisse, l’Allemagne, la Russie, avant toute mise en vente en France et en Belgique…

Voici le cas : on guette des exemplaires, on cherche à s’en procurer. Supposez les Misérables en vente à Paris, au même moment où partent nos caisses pour le lointain. Le contrefacteur suisse, ou russe, ou allemand s’en empare ; de Paris on lui envoie un exemplaire par la poste. Cet exemplaire lui parvient trois semaines, un mois avant notre caisse expédiée comme marchandise, et sur ce temps il a fait une contrefaçon, approvisionné son marché et introduit peut-être en contrebande son édition dans des pays où la loi assure une protection littéraire…

Imprimer à Paris trop longtemps d’avance pour conserver les feuilles ou les volumes en magasin pendant quinze jours, c’est provoquer un abus, c’est le faciliter. Nous avons déjà assez de peine à répondre de nos ouvriers ici ; on a voulu en gagner un.


Victor Hugo n’expédiait pas la pièce demandée pour combattre la contrefaçon, mais il n’avait pas attendu cette lettre du 23 janvier pour se hâter et fournir de la copie, car ce même jour il envoyait le premier livre de la seconde partie, et le 29 janvier la fin de cette seconde partie. Le er février il commençait la révision de la troisième partie Marius.

Malgré la célérité de Victor Hugo, Lacroix, toujours possédé par cette crainte d’être volé par les contrefacteurs, désireux par cela même de hâter la publication, avait insinué timidement à Victor Hugo que sa présence à Bruxelles serait nécessaire, qu’elle éviterait bien des retards dans la correction des épreuves. Il attendait une occasion pour renouveler plus impérieusement ce désir. Il la trouva, et le 3 février il écrivait :


Voici dix jours que nous n’avons plus reçu une seule épreuve. À quoi tient ce retard ? nous l’ignorons. Les tempêtes y sont pour beaucoup probablement. Voilà, mon cher Monsieur, ce que je craignais. Chaque retard