Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/222

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LORD ROCHESTER, s’approchant de Milton.
Monsieur Milton !
MILTON, sans l’entendre, et tourné vers Cromwell.
Il parle ainsi par jalousie !

LORD ROCHESTER, à Milton, qui l’écoute d’un air distrait.
Vous ne comprenez pas, d’honneur, la poésie.

Vous avez de l’esprit, il vous manque du goût.
Écoutez : — les français sont nos maîtres en tout.
Étudiez Racan. Lisez ses Bergeries.
Qu’Aminte avec Tircis erre dans vos prairies.
Qu’elle y mène un mouton au bout d’un ruban bleu.
Mais Ève ! mais Adam ! l’enfer ! un lac de feu !
C’est hideux ! Satan nu sous ses ailes roussies !... —
Passe au moins s’il cachait ses formes adoucies
Sous quelque habit galant, et s’il portait encor
Sur une ample perruque un casque à pointes d’or.
Une jaquette aurore, un manteau de Florence ;
Ainsi qu’il me souvient, dans l’Opéra de France,
Dont naguère à Paris la cour nous régala.
Avoir vu le soleil, en habit de gala !

MILTON, étonné.
Qu’est-ce que ce jargon de faconde mondaine

Dans la bouche d’un saint ?

LORD ROCHESTER, à part et se mordant les lèvres.
Encore une fredaine !
Il a mal écouté par bonheur ; mais toujours
Au grave Obededom Rochester fait des tours.
Haut à Milton.
Monsieur, je plaisantais.
MILTON.
Sotte est la raillerie !
À part et toujours tourné vers Cromwell.

Comme Olivier me traite ! — Hé ! qu’est-ce, je vous prie,
Que gouverner l’Europe, au fait ? — Jeux enfantins !