Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome I.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SEDLEY, à Downie.
Comme, pour arriver au but qu’on se propose,

On n’a point de relais, il faut qu’on se repose.

RICHARD CROMWELL, à part.
Je reconnais ces voix.
LORD ORMOND, l’œil fixé sur le fardeau
que les cavaliers ont déposé à terre.
Voilà donc ce Cromwell !
De son crime inouï châtiment solennel !

Le voilà dans nos mains, ce colosse de gloire
En qui, plus qu’en un Dieu, le monde semblait croire !
C’est lui-même. — À nos pieds quelle place tient-il?
Il n’est rien d’assez fort, ni rien d’assez subtil,
Pour ravir désormais ce coupable à son juge.
Tout fuyait devant lui ; — le voilà sans refuge. —
Ah ! malheureux soldat ! à quoi donc t’a servi
D’avoir tenu quinze ans tout un peuple asservi,
D’avoir tant combattu, tant faussé de cuirasses.
Substitué ton nom au nom des vieilles races,
Et régné par la haine, et l’erreur, et l’effroi,
Et fait de White-Hall le calvaire d’un roi ?
Combien tous ces forfaits, scellés du diadème,
Sont un fardeau terrible à cette heure suprême !
Cromwell ! quel compte à rendre, et comment feras-tu ?
Je t’abhorrais puissant, je te plains abattu.
Que ne t’ai-je au combat terrassé ! — Quelle chute !
Te prendre sans te vaincre ! un triomphe sans lutte !
Résignons-nous. L’épée a fait place aux poignards.
Pour la faire pencher du côté des Stuarts,
Quelle tête le sort jette dans la balance !

RIC1LRD CROMWELL, à part.
Qu’entrevois-je ? Écoutons, et gardons le silence.
CROMWELL, à part.
J’estime cet Ormond. Il parle noblement.

Le cœur d’un vrai soldat jamais ne se dément.