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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

lois, et en particulier dans celle qui nous occupe ; il a beau être tout cela et faire tout cela, qu’il le sache bien, et je m’étonne d’avoir pu moi-même croire un moment le contraire, oui, qu’il le sache bien, les temps où il pouvait être un danger public sont passés ! (Oui ! oui !).

Oui, énervé comme il l’est, réduit à la ressource des petits hommes et à la misère des petits moyens, obligé d’user pour nous attaquer de cette liberté de la presse qu’il voudrait tuer, et qui le tue (applaudissements) ! hérétique lui-même dans les moyens qu’il emploie, condamné à s’appuyer, dans la politique, sur des voltairiens qui le raillent, et dans la banque sur des juifs qu’il brûlerait de si bon cœur (explosion de rire et d’applaudissements) ! balbutiant en plein dix-neuvième siècle son infâme éloge de l’inquisition, au milieu des haussements d’épaules et des éclats de rire, le parti jésuite ne peut plus être parmi nous qu’un objet d’étonnement, un accident, un phénomène, une curiosité (rires), un miracle, si c’est là le mot qui lui plaît (rire universel), quelque chose d’étrange et de hideux comme une orfraie qui volerait en plein midi (vive sensation), rien de plus. Il fait horreur, soit ; mais il ne fait pas peur ! Qu’il sache cela, et qu’il soit modeste ! Non, il ne fait pas peur ! Non, nous ne le craignons pas ! Non, le parti jésuite n’égorgera pas la liberté, il fait trop grand jour pour cela. (Longs applaudissements.)

Ce que nous craignons, ce dont nous tremblons, ce qui nous fait peur, c’est le jeu redoutable que joue le gouvernement, qui n’a pas les mêmes intérêts que ce parti et qui le sert, et qui emploie contre les tendances de la société toutes les forces de la société.

Messieurs, au moment de voter sur ce projet insensé, considérez ceci.

Tout, aujourd’hui, les arts, les sciences, les lettres, la philosophie, la politique, les royaumes qui se font républiques, les nations qui tendent à se changer en familles, les hommes d’instinct, les hommes de foi, les hommes de génie, les masses, tout aujourd’hui va dans le même sens, au même but, par la même route, avec une vitesse sans cesse accrue, avec une sorte d’harmonie terrible qui révèle l’impulsion directe de Dieu. (Sensation.)