lides, et à l’ombre duquel on s’abrite, et dont on invoque si souvent et si étrangement le nom ? que dirait ce Napoléon qui, parmi tant de combats prodigieux, est allé, à huit cents lieues de Paris, provoquer la vieille barbarie moscovite à ce grand duel de 1812 ? que dirait ce sublime esprit qui n’entrevoyait qu’avec horreur la possibilité d’une Europe cosaque, et qui, certes, quels que fussent ses instincts d’autorité, lui préférait l’Europe républicaine ? que dirait-il, lui ! si, du fond de son tombeau, il pouvait voir que son empire, son glorieux et belliqueux empire, a aujourd’hui pour panégyristes, pour apologistes, pour théoriciens et pour reconstructeurs, qui ? des hommes qui, dans notre époque rayonnante et libre, se tournent vers le nord avec un désespoir qui serait risible, s’il n’était monstrueux ? des hommes qui, chaque fois qu’ils nous entendent prononcer les mots démocratie, liberté, humanité, progrès, se couchent à plat ventre avec terreur et se collent l’oreille contre terre pour écouter s’ils n’entendront pas enfin venir le canon russe !
(Longs applaudissements à gauche. Clameurs à droite. — Toute la droite se lève et couvre de ses cris les dernières paroles de l’orateur. — À l’ordre ! à l’ordre ! à l’ordre.)
(Plusieurs ministres se lèvent sur leurs bancs et protestent avec vivacité contre les paroles de l’orateur. Le tumulte va croissant. Des apostrophes violentes sont lancées à l’orateur par un grand nombre de membres. MM. Bineau[1], le général Gourgaud et plusieurs autres représentants siégeant sur les premiers bancs de la droite se font remarquer par leur animation.)
M. le ministre des affaires etrangeres[2]. — Vous savez bien que cela n’est pas vrai ! Au nom de la France, nous protestons !
M. de Rancé[3]. — Nous demandons le rappel à l’ordre.
M. de Crouseilhes, ministre de l’instruction publique[4].